Vacances de la construction : un droit arraché par la solidarité
Quand arrive juillet, on le sent partout : les chantiers ralentissent, les familles s’activent, et tout le Québec s’apprête à respirer un peu. Ce qu’on appelle aujourd’hui les vacances de la construction, c’est plus qu’une pause : c’est un gain syndical historique, conquis à force de négociations, de pression syndicale et d’unité de nos membres.
Et comme souvent dans notre milieu, ce sont les travailleurs eux-mêmes – vos prédécesseurs – qui se sont levés pour qu’on puisse aujourd’hui profiter de ces congés avec dignité.
Avant 1971 : pas de pause réelle, juste des promesses
Avant l’instauration des vacances officielles, c’était un fouillis. Chaque région avait son système, chaque métier pouvait différer et les ouvriers recevaient des timbres de vacances que les employeurs devaient coller dans un carnet. Une fois assez de timbres accumulés, le carnet pouvait être échangé contre un montant à la banque. En théorie, ça donnait 2 % du salaire en congé payé. En pratique, c’était un calvaire administratif. Les congés se prenaient n’importe quand. Aucun chantier ne pouvait s’organiser efficacement. Et les familles, elles, ne pouvaient rien planifier ensemble.
Les syndicats prennent les choses en main
À la fin des années 60, les syndicats ainsi que leurs membres décident que ça suffit. Ils veulent un vrai changement. En 1968, le gouvernement adopte la Loi R-20, qui permet de négocier des conditions de travail uniformes pour toute l’industrie de la construction. Une première au Québec. Dans les premières négociations centrales de 1970, les syndicats exigent que tous les travailleurs prennent leurs vacances en même temps, sur une période fixe. Pour une fois, tout le monde pourrait décrocher ensemble. Et nous avons gagné.
Été 1971 : on arrête pour vrai
Le gouvernement signe un décret officiel : les deux dernières semaines complètes de juillet deviennent les vacances obligatoires pour toute l’industrie. C’est une première en Amérique du Nord. En 1971, les chantiers ferment, les machines s’arrêtent, et les travailleurs partent en vacances avec la certitude qu’ils seront payés – et surtout qu’ils ne reviendront pas seuls à la job pendant que les autres étaient encore partis. Cette victoire est directement issue de la pression syndicale. Et elle ouvre la porte à d’autres avancées.
Une semaine l’hiver… puis une quatrième semaine
Dans les années qui suivent, le combat ne s’arrête pas. Les syndicats obtiennent d’abord une semaine de congé pendant le temps des Fêtes, qui deviendra bientôt une deuxième semaine complète en hiver. Et plus tard, grâce à la négociation, une quatrième semaine de vacances s’ajoute. De telle sorte qu'aujourd’hui, on reçoit chaque année des versements couvrant quatre semaines de congé payées, via la Commission de la construction du Québec (CCQ), par les cotisations versées par les patrons.
En 2025, ce sont 193 000 chèques qui ont été émis, totalisant 646 millions de dollars injectés dans les poches des travailleurs. Un levier économique, mais surtout un levier de qualité de vie. Et des retombées économiques importantes pour toute l'industrie touristique.
Le Local 791 : présent depuis le début
Le Local 791, qui représente les opérateurs de machinerie lourde, a été fondé en 1968, justement au début des grandes réformes. Dès le départ, nos membres ont joué un rôle actif dans les discussions collectives, en se joignant au front commun syndical pour réclamer des conditions justes, stables et humaines. Et ça n’a jamais changé depuis.
Aujourd’hui encore, le 791 continue de se battre pour défendre les conditions des opérateurs, que ce soit dans les grands chantiers de génie civil, les projets de voirie et tous les autres types de travaux qui impliquent nos membres.
Une autre grande victoire : la semaine de travail de 45 heures
Pendant longtemps, dans le secteur du génie civil et de la voirie, la semaine normale de travail était de 50 heures. Les syndicats, dont le 791 en tête de liste, ont mis de la pression pour que ça change. Et lors d’une négociation collective majeure, une autre grande victoire a été arrachée : le passage à une semaine de 45 heures, alors que les syndicats de métiers avaient la majorité représentative au sein du Conseil conjoint.
Ce n’est pas rien : ce sont 5 heures de moins par semaine que les travailleurs ne donnent plus gratuitement à la machine. Cette avancée n’est pas venue par magie. Elle est le fruit de l’organisation, de la mobilisation et de la solidarité.
Pourquoi c’est important aujourd’hui
Les vacances de la construction, la quatrième semaine, la réduction du temps de travail – ce sont toutes des conquêtes syndicales. Elles nous rappellent que rien n’est jamais acquis. Que chaque droit peut être remis en question par un gouvernement hostile ou un employeur avide. Mais elles nous rappellent aussi que quand on est unis, qu’on tient notre monde ensemble, on est capables de grandes choses.
Ce qu’on vit aujourd’hui, c’est le fruit de ceux qui ont osé hier
En 1971, personne ne croyait que les chantiers allaient vraiment s’arrêter deux semaines. Et pourtant, on est allés chercher ce gain. En 1980, peu de patrons pensaient qu’on allait gagner une deuxième semaine l’hiver. On l’a gagnée. Et plus récemment, plusieurs disaient qu’on ne réduirait jamais la semaine de travail à 45 heures dans les gros chantiers. C’est maintenant chose faite. Et si ça tient, c’est parce qu’on est encore là pour défendre ces gains. Parce qu’on sait que des vacances bien payées, une semaine de travail humaine, et du respect pour notre métier, ça ne se quémande pas. Ça se prend, ça s'exige.
Résumé des grands gains
1971 : Vacances d’été obligatoires (2 semaines)
1980 : Ajout d’une semaine l’hiver, devenue ensuite 2 semaines
Aujourd’hui : 4 semaines de vacances payées via les contributions des employeurs, versées par la CCQ
Génie civil : Passage de 50 à 45 heures/semaine grâce aux négociations syndicales
Local 791 : Présent à chaque étape, actif et mobilisé
Sources :
- CCQ (Commission de la construction du Québec), données 2025
- Loi R-20 et décrets connexes
- Archives du Local 791 – Négociations collectives
- Journal Le Soleil (1969)
- L’actualité, Néomedia (2024)
- 24 Heures (2025)