RÉPONSE À L’ÉDITORIAL DE STÉPHANIE GRAMMOND : SI LES SYNDICATS SE MÊLENT DE POLITIQUE, C’EST PARCE QUE LA POLITIQUE SE MÊLE DE NOS AFFAIRES.

Chers membres,

Nous avons lu avec attention l’éditorial de Mme Stéphanie Grammond qui s’attaque aux cotisations syndicales. Encore une fois, on essaie de réduire le rôle des syndicats à quelques anecdotes croustillantes… Comme si c’était ça, la réalité de nos cotisations, de notre travail syndical. On remet, encore une fois, les pendules à l’heure.


Nos cotisations, elles servent à quoi ?

Elles servent d’abord à défendre nos salaires et notre sécurité. Mais ça ne s’arrête pas là.

  • Elles financent les griefs et les recours juridiques contre les employeurs qui ne respectent pas la convention.
  • Elles assurent la mobilisation qui nous a permis d’arracher des gains comme la rétroactivité, l’indexation des avantages sociaux aux salaires, le maintien du pouvoir d’achat de la classe moyenne et de nombreux autres gains concrets pour nos membres.
  • Elles paient la formation de nos délégués, de nos représentants syndicaux, de nos représentants en santé et sécurité et de nos membres, pour que les ouvriers et ouvrières sur le terrain soient mieux protégés et que cesse l’hécatombe sur les chantiers.
  • Elles permettent de soutenir nos membres pendant un conflit de travail, quand il faut se tenir debout collectivement.
  • Elles assurent la solidarité entre membres : quand un travailleur tombe malade, se blesse ou vit une injustice, c’est grâce aux cotisations qu’on peut l’accompagner. C’est la force de l’Union.
  • Elles permettent aussi de participer aux grands débats de société, parce que nos membres ne vivent pas seulement isolés sur les chantiers : ils ont des familles, des enfants, et ils méritent que leurs voix soient entendues.
  • Elles servent aussi à financer les démarches juridiques et politiques pour assujettir des chantiers qui essaient de contourner la Loi R-20. Sans ça, on se ferait voler des jobs par du travail non déclaré et des entrepreneurs qui essaient constamment payer à rabais.

Chaque dollar en cotisation est un investissement dans nos vies, nos droits, et dans l’avenir de toute la classe ouvrière.


Oui, les syndicats font de la politique.

Et il faut le dire sans détour : si les syndicats se mêlent de politique, c’est parce que la politique se mêle de nos affaires.

C’est la politique qui décide de nos lois du travail, de nos retraites, de la fiscalité, de la prévention sur les chantiers. Si le gouvernement rend les syndiqués responsables du déficit pendant qu’il fait pleuvoir les milliards en fiasco de contrats informatiques, on ne l’invite pourtant pas à la neutralité quand on parle de syndicats. Ce deux poids deux mesures est inquiétant.

Quand une coopérative en information de la trempe de La Presse se permet d’être le valet d’un ministre, nous devons, encore une fois, remettre les pendules à l’heure.  

Sans luttes politiques syndicales, il n’y aurait pas de Loi R-20, pas de CNESST, pas d’assurance-maladie universelle, pas de congés payés. Tout ça, c’est le fruit de combats financés par les cotisations des membres. Nos cotisations syndicales profitent donc à l’ensemble des Québécois.

Et les exemples récents ne manquent pas :

  • le projet de loi 89, qui attaque le droit d’association et affaiblit notre capacité de nous organiser;
  • le projet de loi 51 en construction, qui prévoit des amendes astronomiques contre les syndicats, qui légalise la polyvalence au détriment de nos métiers spécialisés et de la sécurité des chantiers — une menace non seulement pour nos membres, mais aussi pour le grand public;
  • les lois spéciales de retour au travail, qu’on a déjà vécues dans la construction, utilisées pour casser nos grèves et forcer nos membres à retourner sur les chantiers malgré le conflit;
  • les compressions de 5 % à la CNESST, annoncées par le gouvernement, réduisent significativement les effectifs. Si cela rime avec moins d’inspection, nous allons voir augmenter les risques pour nos vies. Et quand la prévention faiblit, ce sont nos membres qui paient le prix, parfois de leur santé, parfois de leur vie. Dans une industrie représentant plus de 30% des décès en milieu de travail pour un poids démographique de 5% des travailleurs.
  • et rappelons-le : les mesures anti-briseurs de grève qui existent dans d’autres secteurs ne s’appliquent pas à la construction. Résultat : quand on exerce notre droit de grève, les employeurs peuvent continuer à faire travailler du monde à notre place. Ce déséquilibre allonge les conflits et pourrit le climat de travail.

Voilà pourquoi nos cotisations financent aussi la lutte politique. Parce que si on ne se bat pas dans l’arène politique, nos droits disparaissent morceau par morceau.


La formule Rand, c’est du gros bon sens

On la remet en cause, mais sans elle, les syndicats s’écrouleraient. La formule Rand repose sur un principe simple : tout le monde profite des gains, alors tout le monde contribue.


Sans Rand, tu aurais des profiteurs qui accepteraient les hausses de salaires, les assurances et les protections sans payer un sou. Ça diviserait les travailleurs et ça donnerait tout le pouvoir aux employeurs.

C’est pour ça que la formule Rand est l’un des fondements de la paix industrielle au Québec depuis près de 50 ans. Ceux qui veulent l’abolir savent très bien que c’est la meilleure façon de concentrer la richesse dans les mains des mieux nantis.


La reddition de comptes : deux poids, deux mesures

On nous accuse de manquer de transparence. Pourtant, les syndicats doivent déjà déposer leurs états financiers aux membres, et au Local 791, elles sont disponibles pour nos membres. Nos dirigeants sont élus, ils répondent directement aux membres, et si ça ne fait pas l’affaire, ils peuvent être remplacés. C’est ça, la démocratie syndicale.

Mais posons la question : est-ce que les associations patronales, elles, partagent leurs états financiers?

La réponse est non. Contrairement aux syndicats, les associations patronales n’ont aucune obligation légale de déposer des états financiers à leurs membres ni de les rendre publics. Encore une fois, on s’acharne sur les travailleurs.

Pourquoi alors exiger de la transparence uniquement d’un côté? Parce que ça arrange ceux qui veulent affaiblir les travailleurs et travailleuses.


En conclusion

Nos cotisations, ce n’est pas « à toutes les sauces ».
C’est notre fonds de défense, notre école de solidarité, notre assurance collective, notre protection contre les abus, notre réseau de formation, notre arme politique. Sans elles, nous sommes isolés, vulnérables, divisés et faibles.

Grâce à elles, on a bâti des acquis pour nos membres et pour toute la société québécoise.

Aux éditorialistes qui voudraient réduire les syndicats à quelques excès isolés, nous répondons ceci : attaquer les cotisations, c’est attaquer directement la force des travailleurs. Et ça, nous ne le laisserons pas passer.


Marc-André Blanchette, 

Représentant technique

Local 791 – Union des opérateurs de machinerie lourde

affilié à la FTQ-Construction

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