Le Local 791, le Local 9, le Local 717 et de l'AMI, syndicats affiliés à la FTQ-Construction, représentant plus du quart de tous les ouvriers de la construction, ont adressé une lettre au ministre de la Sécurité publique demandant le déclenchement d'une enquête publique sur le décès en chantier de Vito Fundaro, disparu il y a exactement un an aujourd'hui.
Un an après la mort de Vito Fundaro – Pourquoi n’y a-t-il toujours pas d’enquête publique ? Montréal, le 19 juin 2025
Il y a un an, Vito Fundaro est mort sur un chantier de construction au Square Phillips, en plein cœur de Montréal.
Il est tombé au travail. Et depuis, nous tombons tous un peu avec lui.
Nous avons demandé des actions. Nous avons documenté les faits. Nous avons organisé une conférence de presse, avec un regroupement syndical représentant plus du quart de tous les travailleurs de la construction. Nous avons envoyé des lettres, multiplié les appels, sollicité des rencontres.
Un an plus tard, ni la douleur ni la colère ne se sont estompées.
Nous avons enterré un père, un mari, un confrère de 26 ans.
Mais les ministres à qui nous nous sommes adressés, eux, ont enterré le dossier.
Depuis un an, nous avons interpellé le coroner en chef.
Des lettres officielles ont été envoyées. Des manquements graves ont été signalés. Des témoignages accablants ont été partagés. Nous avons tiré la sonnette d’alarme.
Et pourtant, rien.
Le décès de Vito n’a rien d’un événement isolé. Il est le produit :
- de la sous-traitance à outrance, qui déresponsabilise les donneurs d’ouvrage ;
- d’énormes lacunes en formation professionnelle ;
- de la gestion erratique de la main-d’œuvre ;
- du non-respect du Code de sécurité ;
- de la négligence banalisée ;
- et d’un discours politique dangereux qui cherche à assouplir les règles au nom de la productivité, comme si nous étions revenus à l’époque où n’importe qui pouvait faire n’importe quoi sur un chantier. Comme si tout le monde pouvait faire n’importe lequel métier ou occupation.
Nous avons même récemment interpellé le ministre de la Sécurité publique, puisque le ministre du Travail n’a offert qu’un accusé de réception et des « sympathies ».
Nous n’avons pas besoin de sympathie.
Nous nous permettons de rappeler que pour un peu plus de 5% de la main d’œuvre totale, nos ouvriers et ouvrières représentent plus de 30% des décès recensés sur les lieux de travail.
Nos travailleurs et travailleuses ont besoin d’action.
Des actions concrètes pour enfin briser ce bilan tragique, centenaire, qui se perpétue sur les chantiers du Québec.
Un bilan où la mort, la peur et l’oubli sont devenus des compagnons de travail.
Et malgré tout cela : aucune enquête publique.
Depuis 1985, aucune enquête publique n’a été déclenchée dans l’industrie de la construction.
Quarante ans de silence. Quarante ans d’omissions. Quarante ans de morts.
Aucune lumière n’a été faite sur l’arbre des causes ayant mené au décès de Vito.
Et ce qu’il y a de plus tragique, c’est qu’il n’est pas seul.
Les noms s’accumulent. Les familles pleurent. Les rapports s’empilent.
Et le système ne bouge pas.
Aucun signal fort n’a été envoyé.
Aucune intention réelle de changer quoi que ce soit.
Aucune volonté d’écouter ceux qui, chaque jour, montent sur des machines, dans des échafaudages, ou montent dans des tranchées.
La justice doit se pencher non seulement sur ce qui s’est passé au Square Phillips, mais sur ce qui menace encore la vie de milliers de travailleuses et travailleurs chaque jour.
Le silence des institutions est lourd.
Il est injustifiable.
Il est dangereux.
Et il est déshumanisant pour celles et ceux qui nous ont mandatés pour les protéger. Parce qu’il n’y a pas un jour qui passe sans que nous défendions le droit à la vie.
Nous ne cherchons pas des coupables à désigner.
Nous demandons que la vérité émerge.
Que les conditions ayant mené à la mort de Vito — comme à celle de tant d’autres — soient examinées publiquement.
Que des recommandations soient émises, en pleine lumière.
Que nous puissions poser des questions. Entendre des réponses. Participer au changement.
Combien faudra-t-il de lettres ?
Combien de décès ?
Combien de familles brisées avant qu’une simple enquête publique soit enfin jugée nécessaire ?
En ce 19 juin, nous rendons hommage à Vito Fundaro.
Pas uniquement en cette date symbolique.
Mais chaque jour où nous refusons que d’autres tombent dans l’indifférence.
Chaque jour où nous faisons notre devoir de nous faire entendre.
Nous ne ferons jamais notre deuil dans le silence.
Nous le faisons dans l’exigence, dans la solidarité, dans la vérité.
Pour que plus jamais un travailleur ne meure en toute impunité.
Alexandre Ricard, Président, Directeur général Local 9
Alain Doyle, Directeur général local 717
Jocelyn John, Directeur général AMI
Marc Leclerc, Directeur général local 791